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                             Le secret d'un chat
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          Le secret d'un chat est un livre que nous sommes en train d'écrire. En voici le 1er chapitre !
                                    A tous les amoureux des histoires de chats !




Note de l'auteur :
 

    Lorsque l'on rentre chez soi, le soir après une dure journée et que l'on aperçoit son chat avachi sur le canapé à l'endroit même où on l'avait laissé, on imagine que sa journée n'a pas du être trop mouvementée ! Pourtant, ne l'oublions pas, un chat est un animal sauvage et indépendant même si on peut avoir du mal à le croire !  
Et si, il rencontrait d'autres chats, et si, il vivait une nouvelle aventure chaque jour, furetant dans les endroits les plus farfelus … Et si nous entrions dans leur monde et découvrions leurs secrets …




Chapitre I :
   
        Gizmo sortit de la petite maison encore obscure en ce matin glacial. Il se dirigea d'un pas feutré jusqu'à une poutre en bois vieillie par le temps. Ses yeux, d'un vert profond, épiaient le moindre mouvement suspect. Ses oreilles étaient dressées écoutant le moindre son. Il craignait par dessus tout que ses Deux Pattes* le voit et le renferme à l'intérieur. Le jeune chat fléchit les pattes arrières et bondit sur la poutre à peine givrée. Il se stabilisa, à l'aide de sa queue, et leva la tête, scrutant les nuages.
        En ce froid matin de décembre, le ciel était gris et une fine bruine tombait sur le jeune félin. Le parfum caractéristique de la pluie lui emplissait les narines. Il scruta attentivement les environs. Il apercevait les arbres à la lisière de la sombre forêt. Lorsqu'il neigerait, ceux-ci seraient recouverts d'un manteau blanc. Mais je n'aurais pas le droit d'aller plus loin que le jardin ce jour-là, songea amèrement le petit tigré.
        Soudain, un raclement sur la terre se fit entendre. Le jeune chat descendit sans bruit de la poutre et d'instinct,
s'aplatit contre le sol gelé. Il rampa dans les broussailles, se rapprochant de sa proie. Maintenant, il la voyait. Assis au milieu de l'herbe, un campagnol ayant survécu au rude début de l'hiver, cherchait de quoi se remplir l'estomac.
Gizmo percevait le tempo rapide de son minuscule cœur. Il s'accroupit et bondit en soulevant un tourbillon de feuilles mortes. Il la plaqua au sol avec sa patte et l'acheva d'un coup de dent, arrachant la chair tendre avec ses crocs.
La saveur boisée du sang acheva de se répandre sur son palais. Il s'assit et dévora sa proie, savourant chaque
bouchée. C'était la deuxième fois qu'il goûtait à du gibier et il espérait bien que ce ne serait pas la dernière. Lorsqu'il
eut terminé, il se releva, s'étira de tout son long et repartit.
        Il ouvrit tout grand ses yeux de chaton et essaya d'apercevoir Panschèle, doyenne de la maison, à travers le brouillard. Gizmo l'avait vu partir et poussé par la curiosité, il l'avait suivie. Il ferma les yeux et huma l'air nocturne. A en croire
son odorat, la belle chatte avait attrapé un jeune merle dans ce jardin. Des touffes de duvet étaient disséminées dans l'herbe givrée. Gizmo était ébahi. Il n'aurait jamais réussi à attraper un de ces volatiles. Et puis, ils ne devaient pas avoir très bon goût, se dit le chaton, avec toutes ces plumes …
        Il frissonna. La brume matinale était pénétrante et il n'avait qu'une mince fourrure peu apte à se protéger du froid en plein hiver. Son pas s'allongea et, fier de son sens de l'équilibre – car ne l'oublions pas, il se tenait une mince poutre de bois, d'autant plus que la brume ne l'aidait en rien – il se mit à courir. Au bout d'un moment, une douce tièdeur l'envahit et il poussa un soupir d'aise.




        Un peu plus tard, le brouillard s'était dispersé et le chaton tigré arrivait enfin à voir plus loin que le bout de son museau. A l'angle d'une haie, il aperçut furtivement le bout d'une queue touffue et noire comme la nuit. Il poussa un petit miaulement de ravissement et accéléra le pas jusqu'à ce qu'une voix étrangère parvienne à ses oreilles. Il se fit discret afin que Panschèle et quiconque ait pu se montrer assez inconscient pour tenter de se lier d'amitié avec la femelle. Car malgré sa beauté,
elle était très agressive et Gizmo le savait pour en avoir fait les frais alors qu'il la connaissait à peine. Méfiant, il descendit de la poutre sans bruit.
        Il s'avança jusqu'à l'angle de la palissade et jeta un rapide coup d'œil de l'autre côté, ne laissant dépasser que ses moustaches.
Il aperçut Panschèle, belle chatte aux yeux sable, accompagné d'une jolie chatte rousse qui tenait dans sa gueule un jeune chaton aussi flamboyant qu'elle. Ses yeux verts, très expressifs et sa magnifique queue touffue et ondulante lui donnaient une élégance hors du
commun. Le chaton quant à lui avait déjà les yeux ouverts et lorsque sa mère le déposa à terre, il se recroquevilla sur lui-même et bondit
sur un papillon qui butinait – jusque là – paisiblement. Il le rata de peu et sautilla en dessous de l'insecte, les yeux rivés sur ses ailes brunes,
sous le regard amusé des femelles. Ce ne doitt être qu'une « Boule de Poils* », un très jeune félin, pensa Gizmo. Ils devaient
se trouver à la lisière de la forêt car, derrière les deux chattes en pleine discussion, de grands arbres s'élevaient jusqu'au ciel parsemé
de nuages, plongeant le reste du bois dans l'obscurité.
        Il s'apprêtait à sortir de sa cachette lorsque des bribes de conversations lui parvinrent :
- Quel âge a-t-il ?

- Quelques mois seulement, répondit la jolie rousse
- Il te ressemble énormément, remarqua Panschèle avec douceur
- Oui mais ...
- Regarde Patte d'Or, les errants doivent être revenus de la chasse ! la coupa la chatte noire et blanche, en désignant la forêt qui bruissait et d'où s'échappa un long miaulement.
- Oui, tu as raison, j'espère que ce sera plus fructueux que la dernière fois, s'exclama la dénommée Patte d'Or
La rouquine s'étira longuement et elles se dirigèrent vers le bois. Curieux, Gizmo les suivit, tâchant de ne pas se faire remarquer et s'enfonça dans la forêt à leur suite. Mais contrairement à ce qu'imaginait le petit tigré, le chemin ne fut pas long et les deux femelles, accompagné du petit rouquin qui traînait derrière, débouchèrent promptement dans une clairière verdoyante grouillante de félins.
        Le jeune chat eut tôt fait de se cacher et observa tout le petit monde qui se pressait à seulement quelques enjambées de lui. Pourvu qu'on ne me repère pas, pria-t-il, terrifié. Mais, il laissa bien vite ces pensées de côté, et repéra aussitôt le petit groupe revenant de chasse.
C'était groupe de félins efflanqués, la queue basse, et portant dans la gueule de maigres souris et des campagnols n'ayant que la peau sur les os. Le regards de ces dits « errants » était vides et sans expression. Gizmo en avait froid dans le dos. Il les entendait parfois la nuit pousser des miaulements éraillés. Et les voir en vrai n'en était que plus terrifiant.
        Cependant une partie de lui même était rassurée de découvrir que les auteurs de ces cris sinistres n'étaient autres que ses semblables. Et non pas de monstrueuses bêtes féroces, tapies dans les fourrés qui attendaient jour et nuit qu'une proie dodue ait le malheur de passer à leur portée. Laquelle allait amèrement le regretter. Mais ce n'était aucunement tout cela, juste quelques félins décharnés qui n'avaient pas l'air bien redoutables.
        A la tête de la petite troupe, un chat blanc et noir au large museau dont les poils emmêlés et sales lui donnaient l'air de revenir d'entre les morts, levait une tête digne mais, on ne lisait dans ses yeux jaunes que de la méfiance. Envers les chasseurs, envers les anciens, envers les petits. Mais on sentait tout de même une pointe d'amour dans ce regard aux abords si froids vis-à-vis de ceux qu'il s'efforçait de protéger, jour après jour. Et en cet hiver glacial, cette impression n'en était que renforcée. Cependant, la balafre qui courait le long de son museau prouvait que, pour lui, la faim n'était qu'une étape de plus à surmonter dans une vie semée d'embuches. Néanmoins, ce qui marqua le plus le jeune chat, ce fut cette aura de puissance qui émanait de lui. Personne ne aurais pu résister à celle-ci tant son influence était grande. Car, même à l'autre bout de la clairière, Gizmo sentait son pouvoir, sa puissance sur ses épaules. Il réprima un frisson.
        Tous ses semblables n'avaient pas meilleure mine. En ce rude début d'hiver, la nourriture s'était faite rare et les « errants », comme ils aimaient être appelés, étaient trop fiers pour oser quémander de la nourriture à la porte des Deux Pattes*. Ils étaient si maigres que leurs côtes saillaient sous leur pelage sale et abîmé.
        Les félins revenus de chasse déposèrent leurs proies sur une pile de nourriture située au centre de la clairière. Le gibier entassé, quelques félins vinrent calmer les gargouillements incessants de leurs estomac. Des effluves boisées arrivèrent alors jusqu'à lui, et l'eau lui monta à la bouche. Son ventre poussa un grondement lui rappelant qu'il n'avait mangé le matin même qu'un campagnol maigrichon. Terrifié à l'idée qu'on le découvre, Gizmo releva la tête mais, par bonheur, tous étaient trop absorbés par leurs diverses tâches pour avoir entendu quoique ce soit. Le jeune chat tigré poussa un soupir de soulagement et reprit son observation
         Il remarqua un jeune félin à la fourrure neigeuse à peine plus gros que lui se saisir d'un pinson sur la pile de gibier. Mais au lieu de s'asseoir et de la dévorer à belles dents comme les autres matous, il s'élança vers un arbre mort auquel était adossé une chatte écaille qui offrait son ventre rond au timides rayons de soleil qui parvenaient jusqu'à elle. Le jeune chat déposa l'oiseau devant elle et, après avoir été remercié d'un signe de tête, repartit en courant vers le centre de la clairière.
En voyant cette scène, Gizmo compris que ces chats avaient fondé une véritables communauté. Ce n'était plus des félins qui se battaient entre eux pour un morceau de territoire. Le règne du chacun pour soi avait cessé. Désormais, ils s'entraidaient, se soutenaient, soudés les uns aux autres. Gizmo était impressionné. Jamais, en s'aventurant dans la forêt il n'avait imaginé tomber sur pareil spectacle.
        Tout à coup, le petit tigré entendit un miaulement rauque et tourna la tête. Le vieux matou blanc et noir qui semblait être le chef s'était assis en haut d'un gigantesque rocher et prit la parole :

- Mes chers confrères, vous l'avez sûrement remarqué, le début de la saison des neiges a été particulièrement rude cette année et nous manquons de bras forts pour trouver la nourriture dont nous avons tant besoin. Il va falloir que les petits sachent chasser dès leur plus jeune âge et tout le monde participera à leur apprentissage. Et cela dès aujourd'hui. J'espère que nous n'aurons aucun morts cette fois-ci, ajouta-t-il après un instant d'hésitation, la tristesse vibrant dans la voix.
        Il descendit de son perchoir, la queue et les oreilles basses et alla se coucher au pied de celui-ci. Les félins réunis se dispersèrent, et un murmure fiévreux parcourut la foule.



        Gizmo se décida à sortir de sa cachette. Si ils avaient tant besoin de chasseurs, ils n'allaient pas pas l'attaquer, non ? pensa le chaton tigré. Il s'avança dans la clairière ombragée sans que personne ne le remarque lorsque tout à coup, un poids lui tomba sur les épaules.
        Le félin se mit à se débattre en poussant de petits miaulements plaintifs. En vain. Plus il essayait de se libérer plus les griffes acérées de son adversaire s'enfonçait dans son dos, lui labourant l'échine. Son assaillant feula et lui entailla le front d'un coup de griffe. Quelques gouttes de sang chaud coulèrent sur son museau, lui brouillant la vue. Le chaton arrêta de se débattre et s'effondra sur le sol, à bout de forces. La douleur avait pris le dessus. Une voix lointaine lui parvint :

- Pourquoi n'as-tu pas riposté ?
- Pourquoi aurais-je fais ça et puis d'abord, pourquoi m'as-tu attaqué ?
- C'est logique, non ? Tu es un intrus lui répondit un chaton gris, comme si cela paraissait évident à tout félin sensé.
Le sang avait rapidement cessé de couler et il apercevait à présent son agresseur. Son regard bleu et froid le scrutait d'un air dédaigneux. Il se léchait une patte, toute agressivité disparue. Mais son attitude montrait que tout ce que le petit tigré pourrait dire n'aurait aucune importance à ses yeux. Avec son fin museau et ses pattes minces, il ne paraissait pas très puissant, mais Gizmo venait d'apprendre que l'on ne pouvait juger un adversaire à son physique.
        Autour des deux bagarreurs, des félins s'étaient rapprochés pour voir le combat. Seul un matou noir et blanc avec une tache sur l'œil avait les poils hérissés, les crocs découverts et regardait le chaton gris avec répugnance. Mais il n'était pas le seul à l'écart, Panschèle l'observait avec stupéfaction et lui tourna aussitôt le dos reprenant sa discussion avec un groupe de femelles.

- Je m'appelle Patte de Myosotis et toi ? le questionna le félin, ramenant le petit tigré à la réalité.
Quel nom étrange, pensa le chaton.
- Moi c'est Gizmo …
- Quelle est la cause de tout ce raffut ? gronda une voix rauque.
Le chef s'était approché et fixait les deux chaton d'un œil critique. Son regard impénétrable s'immobilisa sur Gizmo, le pelage ensanglanté, qui se recroquevilla et baissa la tête, gêné.
- Comment te nommes-tu ?
- Il s'appelle Guimauve, je crois, s'écria l'autre chaton, narquois.
- Gizmo, répliqua le chaton tigré entre ses dents, furieux que après l'avoir agressé, sans s'être excusé, ce chat écorche, en plus, son prénom
- Tu es un chat errant ? Et ta mère est avec toi ? l'interrogea le vieux matou.
- Non … J'ai une maison où ma mère vit aussi. Elle est une Deux Pattes*, murmura Gizmo d'une petite voix.
Les matous éclatèrent de rire. Le chaton ne comprenait pas la soudaine hilarité générale. Mais le félin entendit une petite Boule de Poils* demander à sa mère :
- C'est quoi un Deux Pattes* ?
- Tu sais bien, ce sont les grandes bêtes roses qui nourrissent les chats domestiques.
Lorsque le tumulte eut cessé, le petit tigré répliqua :
- Je vous assure que c'est vrai !
Le vieux chef leva les yeux au ciel, mais ne fit aucun commentaires.
- Pourrais-je vous rejoindre ? Je sais déjà chasser !
- Eh bien … C'est difficile à refuser … Nous avons tant de bouches à nourrir …Et je ne veux pas de morts, murmura-t-il le regard soudain voilé par la tristesse
- Oreilles fendues ! Tu ne va pas l'accepter parmi nous tout de même ! C'est un chat domestique ! cracha un félin noir, aux yeux méfiants et plusieurs matous approuvèrent d'un hochement de tête.
- Et il mangera tout le peu de gibier que nous avons alors qu'il a tout ce qu'il veut chez ses Deux Pattes* !
Les félins protestaient vivement, tant d'ailleurs que leurs paroles, miaulements et autres feulements se transformèrent bien vite en un brouhaha indescriptible. Soudain, une voix s'éleva, sans doute plus puissante que les autres. A moins qu'elle ne soit portée par les ailes du destin, songea Gizmo.
- Mais nous avons besoin de chasseurs ! Et les petits qui vont naître ? Si je ne peux pas faire suffisamment de lait, ils mourront ! s'exclama une chatte écaille.
Gizmo se souvint. C'était celle qu'il avait observé, il avait un instant. Instant qui lui semblait remonter à des heures.
- Tu dis vrai, Patte de Sable mais avant, trois de mes meilleurs chasseurs vont l'emmener dans la forêt pour tester ses capacités, précisa le vieux chef, Nuit étoilée, Patte de Givre et Étoile de minuit vous l'accompagnez !



        Les trois félins désignés hochèrent la tête et s'exécutèrent. Ils se dirigèrent vers la sombre forêt. Le chaton courut vers eux d'une démarche pataude et s'efforça tant bien que mal de les suivre sans se faire distancer. Car les trois robustes matous faisaient de grandes enjambées et lui, avec ses petites pattes peinait à les imiter.
        Au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, Gizmo se rendait compte qu'elle n'était pas si effrayante que ce qu'il avait imaginé. Le sol couvert de feuilles mortes était souple et doux. A travers la ramure dénudée des arbres on apercevait le ciel bleu pâle et de temps en temps, un oiseau criait dans le fin fond du bois. Ils passèrent à côté d'un ruisseau qui gargouillait paisiblement. Le petit tigré aperçut un écureuil pointer le bout de son nez derrière un arbre et le retirer aussi vite en voyant les quatre félins. Une petite brise fraîche soufflait, lui ébouriffant la fourrure.
        L'attention du jeune chat se reporta sur la femelle qui trottait devant lui. Elle le regardait d'un air féroce et Gizmo le comprenait. C'était Panschèle.
        Un jour, alors qu'il n'était encore qu'un jeune chaton, il l'avait suivie comme le matin même, mais ce jour là, il ne s'était
pas fait aussi discret. Bien au contraire, il avait courut à sa poursuite en l'appelant de toutes ses forces. La femelle avait
fait volte-face, furieuse, et lui avait fait promettre d'une voix menaçante de ne plus jamais la suivre. Jusqu'au matin même, il avait toujours suivi cette consigne – même s'il s'interrogeait sur les motifs de la femelle – mais il avait peut-être été trop curieux, cette fois-ci …
         Néanmoins, il se posait de nombreuses questions qui se tournaient et se retournaient dans sa tête. Pourquoi le vieux chef l'a-il
appelée « Étoile de Minuit » ? Comment a-elle réussi à se faire si bien accepter, au point de la désigner comme l'une des meilleures
chasseuses, alors que son arrivée avait été tant contestée ? Pourquoi tenait-elle tant à ce que je ne découvre pas cet endroit ? Ce n'est pourtant pas un secret ...
Toutes ces interrogations se bousculaient dans sa tête, brouillant son esprit, et le chaton, déjà épuisé par
son combat, ne sentait plus ses pattes. Heureusement la femelle qui conduisait la petite troupe leur fit signe de s'arrêter et Gizmo
s'effondra sur le sol. Il lécha ses pattes éreintées par la course dans la forêt et but dans une petite flaque au sol. Puis, le
petit tigré s'allongea et en profita pour observer son escorte.
        La jeune chatte au longs poils noirs qui les dirigeait humait l'air parfumé sans doute à la recherche de proies. Ses grands yeux étaient
bleus comme le ciel. Ce devait être la dénommée Nuit Étoilée. On sentait dans tous ses gestes l'expérience qu'elle avait de la
forêt et Gizmo comprit à quel point il avait dû paraître naïf aux yeux des autre félins. Ne connaissant, ni la faim, ni le froid, ni la douleur,
il ne pouvait les en blâmer, pour eux dont tout ceci était un quotidien, indivisible de la vie qu'ils avaient choisi de mener.
        Un autre félin se tenait un peu plus près de lui. Il était entièrement noir exceptés sa poitrine et ses pattes blanches comme la neige, ce qui lui avait sûrement valu son nom de Patte de Givre. Son poil était aussi court que celui de Gizmo, et il semblait transi, car le chaton tigré
aperçut un frisson courir le long de son échine. Il était assis et se léchait le poitrail à grands coups de langues mais ses yeux
étaient fixés sur Panschèle qui leur tournait résolument le dos, à Patte de Givre comme à lui.
Nuit Étoilée se retourna vers eux et, les voyants tous avachis par terre, s'exclama :
- Quelle bande de mollassons ! On dirait que vous n'avez jamais couru de votre vie ! Patte de Givre, Étoile de Minuit cherchez plutôt un endroit où le gibier abonde ! Même si vous aurez plutôt du mal en ce moment … Toi ! Gizmo c'est ça ? Viens je vais t'expliquer en quoi va consister la chasse d'aujourd'hui.
Patte de Givre et Étoile de Minuit – puisque c'était apparemment son nom – se mirent en quête de proie tandis que Nuit Étoilée entraînait Gizmo vers une autre partie de la forêt.

- La première chose qu'un bon chasseur doit savoir faire c'est repérer une proie, lui expliqua-t-elle, pour cela, il faut avoir tous ses sens en alerte. Son odorat, sa vue et son ouïe. Essaye.
Gizmo suivit les instructions de la femelle. Son oreille était tendue et ses yeux scrutait les fourrés à la recherche de gibier. De temps à autre, il levait la tête et flairait l'air, espérant qu'une odeur de de gibier arriverai jusqu'à ses narines. Il était dans un état de concentration tel qu'il avait l'impression qu'il n'y avait plus que lui et la forêt. Rien ne lui échappait.
       Un instant, ses pensées le déconcentrèrent. Enfin, il pouvait prouver qu'il était digne de servir la tribu ! Les sens aux aguets, il allait tenter de montrer à Nuit Étoilée ses talents. Qu'il espérait suffisamment impressionnants pour qu'on l'accepte enfin ...
       Soudain, il huma une souris qui devait être blottie dans une touffe d'herbe. Il s'aplatit contre le sol et glissa jusqu'à elle. Heureusement, le vent soufflait contre lui et la souris ne pouvait sentir son odeur. Il prit son élan et bondit. Sa proie tenta de détaler mais c'était trop tard. Le chaton l'acheva d'un coup de griffe, puis il prit délicatement la souris dans la gueule et, fier de sa première proie pour la tribu, rejoignit Nuit Étoilée.

- Excellent ! Tu te débrouilles bien ! Viens je vais te montrer d'autres positions de chasses.
Ils se mirent à la recherche de Patte de Givre et d'Étoile de Minuit qui avaient – entretemps – trouvé un terrier. La jolie chatte noire repéra un lapin et lui expliqua comment attraper un lièvre sans se faire repérer par celui-ci.
- Un lapin court vite si tu veux avoir une chance de l'attraper, il faut être bon à la course. Mais si tu es face au vent, il te sentira plus rapidement qu'une souris et détalera avant que tu aies le temps de dire « proie ». Fais toujours bien attention à ça.                                   
Pour lui montrer, elle se mit en position, plaquée contre le sol. Elle patienta un moment, attendant qu'un lapin pointe le bout de son museau dehors et guettant l'instant propice pour attaquer. Tout à coup, Gizmo vit une petite
frimousse sortir à l'extérieur du terrier. A peine le rongeur eut-il aperçu la chatte qu'il s'élança à toute vitesse dans
la forêt, à l'opposé de sa tanière. Le chaton eut juste le temps d'apercevoir son œil terrifié qu'il avait déjà disparu,
la femelle à ses trousses. Après une poursuite précipitée, celle-ci revint le lapereau dans la gueule, sous les yeux admirateurs des autres félins.
        Un peu plus tard, alors que Nuit Étoilée scrutait le ciel, celle-ci indiqua :

- Il va se faire tard. Le soleil ne va pas tarder à se coucher. Mangez un peu et nous repartirons. Demain,
je t'apprendrais sûrement à traquer les oiseaux, dit-elle avec un clin d'œil au chaton en voyant les yeux émerveillés de celui-ci.

Les trois félins acquiescèrent. Gizmo s'empara un campagnol sur le dessus de la pile de gibier amassés et le dévora
en trois coups de dents, avant de se lécher les babines. Panschèle, quant à elle, prit un moineau que la jolie chatte avait attrapé elle même, sans lui accorder un seul regard. Patte de givre arriva un peu plus tard un écureuil dans la gueule et le
présenta à la femelle qui le refusa tout net. Le matou blanc et noir alla s'asseoir près d'un arbre le
plus loin possible d'elle le museau contrarié et mordit dans son écureuil. Le chaton tigré sentit un fou rire lui monter à la gorge mais il le réprima. Il n'avait nullement besoin d'empirer encore sa situation. Qu'allaient-ils bien pouvoir
me faire si je ne suis pas accepté ?
se demanda le jeune félin, légèrement angoissé. Puis, il secoua la tête, comme
pour oublier ces sombres pensées. Puis, Nuit Étoilée leur fit signe qu'il repartaient et chacun prit une ou plusieurs proies afin d'en ramener le plus possible au camp.
        Mais le chemin du retour lui parut beaucoup moins long qu'à l'aller, sans doute parce qu'il ressassait tout ce qu'il s'était passé dans la journée. Et il allait apprendre à attraper les oiseaux ! Comme Panschèle ! Mais son sourire s'effaça. Il fallait déjà qu'on m'accepte, se souvint-il, en soupirant. Mais, il s'efforçait de demeurer positif. Il avait toutes ses chances. Après tout Nuit Étoilée avait été impressionné par ses qualités de chasseur. Et la jeune chatte ne paraissaient pas être de ceux qui avait voulu à tout prix le rejeter. Il termina donc le chemin du retour de l'espoir plein la tête.

 


        Arrivés dans la petite clairière, Nuit Étoilée se rapprocha gracieusement du chef et déclara :
- Il se débrouille très bien. Il semblerait qu'il ait un talent naturel pour la chasse. Je pense que nous devrions l'accepter. Et il ne s'est pas fait distancer ni à l'aller, ni au retour. Il m'a l'air assez résistant.
- D'accord. Viens, nous allons en discuter loin des oreilles indiscrètes, miaula le vieux matou en jetant à Gizmo, un regard amusé.
Celui-ci agita les moustaches gêné et s'écarta. Les deux félins s'éloignèrent un peu et quelques instants plus tard, ils revinrent. Le petit tigré entendit juste le vieux mâle dire à Nuit Étoilée :
- Je fais confiance à mon lieutenant
Le vieux chef monta en haut du grand rocher et invita le chaton tigré à le rejoindre, d'un simple mouvement de la queue. Le chaton lui obéit immédiatement, et se précipita à ses côtés sans presque aucune difficulté.
         Du haut du roc, il voyait tous les autres chats réunis autour de lui. Les anciens, portant les balafres et les cicatrices de leur vie d'antan, s'étaient même levés pour essayer d'entrevoir l'heureux élu. Il continua son observation et vit une chatte blanche au longs poils qui se tenait aux côtés de Nuit Étoilée. Celle-ci faisait de grands signes étranges avec sa queue. Le chaton était déconcerté. Que pouvait bien-t-elle faire ? Mais l'attention de Gizmo se reporta vite sur un petit groupe qui se tenait à l'écart n'ayant pas l'air d'approuver son arrivée. Ils ne riaient pas et ne discutaient pas comme les autres félins. On sentait dans leur attitude une sorte de dégoût vis-à-vis du jeune chat domestique.
Le vieux félin posa le bout de sa queue sur l'épaule de Gizmo, le sortant de ses pensées, et énonça ces paroles :

- Dans la tribu, il arrivera que tu connaisses des temps difficiles ; tu connaîtras la faim, le froid. Mais, tu seras entouré de félins qui te soutiendront. Tu ne seras jamais seul. Il te faudra prouver ton courage. Ta solidarité sera mise à l'épreuve. Ceux qui sont dans le besoin seront les premiers dont tu devras t'occuper. Tout ceci, si tu ne le respectes pas, la tribu ne te soutiendras pas. Es-tu prêt à faire le serment de le respecter jusqu'à ce que la mort t'entraîne ?
- Oui ! affirma Gizmo.
- Alors, dès aujourd'hui et jusqu'à ta mort, tu fais partie intégrante de la tribu. Sois-en digne !
Gizmo était si heureux qu'un ronronnement sonore l'emplit du bout des oreilles jusqu'à la pointe de la queue. Tout son corps vibrait, envahit par une joie sans pareil. Enfin ! On l'avait accepté ! Cela dépassait tous ses rêves … Mais ce bonheur ne dura pas bien longtemps. Car pour certains, il ne faisait pas partie de la tribu, et n'en ferais jamais partie ...
- Vive Gizmo ! criaient tous les félins en poussant des miaulement de joie.
Mais, tous ? Non, le petit groupe à l'écart que Gizmo avait vu juste avant ne poussait aucun cri de joie et lorsque le chaton tigré passa devant eux, il remarqua qu'un félin noir qui le regardait d'un air mauvais, chuchotait à l'oreille d'un autre gros matou, blanc et gris, qui éclata de rire en le fixant, railleur. Le chaton soupira et baissa la tête. L'accepterait-on un jour ?


* voir le lexique
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